Fond du parking
Eric Solé, 2021
La culture à l'arrêt
Le poète et cinéaste Pier Paolo Pasolini est mort assassiné dans un terrain vague. J’adore Pasolini. Ceci explique-t-il mon intérêt des terrains vagues, des lieux à l’abandon, à l’écart, ou bien considéré comme encombrants, peu fréquentables, pas bien agréables et peu dignes d’intérêt ?
C’est à quoi je pense lorsqu’en août 2020 je réalise avec mon portable, les premières photos présentées ici.
Il est vrai que j’entretiens entre le fond du parking et le terrain vague d’intimes affinités.
Je suis à Lascaux IV. Un haut lieu du tourisme-culturel. Face aux éléments qui s’y trouvent, je photographie généralement le fond strict du parking. Il y a des broussailles, des panneaux, des arbres maigrichons, une barrière, des traces au sol, des sentiers artificiels, une poubelle, des trottoirs en béton. La nature tente d’y retrouver un peu de place. C’est la fin de l’été, il fait bon. Le site est presque désert pour cause de COVID-19.
Plus tard en octobre, je traverse le massif central avec ses gigantesques causses. Je me rends sur le site de la réplique de la Grotte Chauvet en Ardèche. Je vais à la rencontre du grand parking, qui le jouxte. Après 500kms de routes tortueuses, je cale mon Fiat Doblo sur un des emplacements ; temps maussade, ciel gris… peu de touriste. Tout va bien. Renonçant très volontairement à la visite de la grotte, j’esquive sa guichetterie et entreprends l’exploration de son parking ; ou plus exactement, ses parkings. Il y a en deux ; on a prévu large. Le premier est bien sage et goudronné, l’autre, sauvage et mystérieux. Il fait le joint entre le site et la garrigue. Pour moi, la visite de la grotte Chauvet se fera ici.
Coup d’œil sur la carte (je n’ai pas de GPS). Je file plein sud, en direction du Pont du Gard. J’ai de mauvais pressentiments. Des souvenirs d’enfance me reviennent. C’est le choc : tout a changé.
Ici, il faut livrer bataille pour trouver une place. Le parking est défendu par de belles barrières et par le tarif à payer. Ma voiture, je la gare loin, dans un endroit improbable. Je marche beaucoup. Une fois à hauteur du site, je file en douce vers les coins oubliés du parking. Je respire.
Ici, à l’opposé du Pont, le parking, ressemble à un tableau impressionniste. Le sol est couvert de feuilles, le goudron a disparu et les oliviers font claquer leurs verts métalliques au milieu du brasier automnal.
Eric Solé
« Terra Cognita/Fond du parking », exposition
• 24 photographies. Tirages jet d'encre sur papier mat, 45x33cm.
Installés en boîte bois 51x39cm.
• 6 photographies. Tirage jet d'encre sur papier mat, 67x50cm
Installés en boîte bois 73x57cm.
Le sentier poétique d'Issac
Une intervention plasticienne dans une école
Dans un bois, au dessus d'Issac en Dordogne, France, un sentier se pare de bornes métalliques supportant images et poèmes.
Un travail photographique est entrepris début 2020 avec les jeunes élèves de l'école. Un an plus tard, le sentier poétique d'Issac déjà initié en 2016 prend de la pérénité et de l'allure. Seizes pièces en acier noir, jalonnent le parcours du sentier arborant les photographies retenues, faites d'ombre et de lumière.
En dessous, des poèmes courts et graves écril par les élèves, prolongent et donnent de la profondeur aux images. Un étrange dialogue se fait entendre entre le milieu forestier, les images et les textes.
Eric Solé
Sentier poétique d'Issac
Année de création : 2016
Localisation : chemins et milieux boisés à Issac, Dordogne, France
Production : Classes de l'école d'Issac, de la Grande Section au CE2
Enseignants : Sophie Wagner Arquey et Jérôme Le Dorze
Artiste intervenant / conception / conception graphique : Eric Solé
Thématique : l'ombre et la lumière (pour les photographies)
Poèmes et photos : les enfants de l'école d'Issac
Sculptures en bois : Christophe Besse
Financement : Coopérative scolaire d'Issac, contribution participative via la trousse à projets, commune d'Issac, Association des Parents d'Élèves. Implantation in situ : commune d'Issac avec l'aimable autorisation des propriétaires riverains.
Approche & Usage de l'Art contemporain
Un atelier d'art plastique dans une petite commune de France
Cet atelier créé en 2016 propose une approche de l’art contemporain en dispensant des
cours à la fois pratiques et théoriques.
De l’Impressionisme à la Figuration libre, Eric Solé présente les courants marquants, principalement du vingtième siècle. Ceci pour aborder la notion de modernité et voir comment les artistes d’aujourd’hui se l’approprient.
En se basant sur des exemples visuels, les concepts et les œuvres clés sont identifiés et expliqués en les reliant à leur contexte historique.
En parallèle, des travaux pratiques, sont mis en place en lien avec les thèmes théoriques abordés.
Initiation aux techniques mixtes, collages, découpages, prélèvements d’éléments existants, apports d’objets et de matériaux divers, détournements des outils et des techniques traditionnels, pratiques collectives ou individuelles, composition sur grand format, thèmes imposés ou improvisés…
Les initiatives et créations personnelles sont les bienvenues.
Cet atelier s’adresse tout particulièrement aux personnes qui ignorent tout et même doutent de l’art contemporain !
Il est également particulièrement recommandé aux étudiants qui envisagent un
cursus à caractère artistique (beaux-arts, arts déco, arts appliqués, arts graphiques, enseignements des arts plastiques, écoles de photographie, de théâtre ou de cinéma, de musique et de danse, design et architecture, histoire de l’art…)
De septembre à juillet
2 séances par mois
Entre 6 et 10 participants
Inscription et modalités : Foyer rural d'Auriac du Périgord :
Twenty six bus shelters
une co-création Philippe Nolde/Eric Solé
L'architecture anonyme dans la tradition de l'artiste Ed Ruscha
À PROPOS DU LIVRE,
Eric Solé, artiste, et Philip Nolde, collectionneur, se sont associés et publient un livre d’artiste, « Twentysix Bus Shelters ». Cet ouvrage est une sélection de vingt-six photographies d’abribus en béton qui jalonnent les routes de la Dordogne.
Reconnaissables, montrés tels qu’ils sont, ces abribus deviennent les enjeux d’une réalité où le regard glisse, sans les remarquer. Les photographier, les publier et les montrer, c’est rendre réelle une esthétique en apparence banale. Vides de toute occupation, ce sont des architectures anonymes qui « habitent » les paysages du Périgord.
« Twentysix Bus Shelters » d’Eric Solé et Philip Nolde, est un hommage explicite aux livres publiés par l’artiste américain Ed Ruscha dans les années ’60, et se réfère notamment à « Twentysix Gasoline Stations » paru en 1963. Les ouvrages d’Ed Ruscha inaugurent une nouvelle forme de livre d’artiste, dont beaucoup s’inspirent aujourd’hui, et créent ainsi un nouveau genre artistique.
« Twentysix Bus Shelters » appartient à cette mouvance, à laquelle on peut ajouter les images des sculptures anonymes des artistes allemands Bernd et Hilla Becher.
Philip Nolde
Eric Solé
« Twentysix Bus Shelters », éditions espn.
26 photographies couleurs, 56 p.
18x14cm.
Tirage à 300 exemplaires*, dont 26** sont numérotés, datés et signés et comprenant chacun une photographie originale.
Publié également : « Twentysix Bus Shelters » 26 photographies d’abribus en bois situés en Dordogne
IMGP5663, Montignac-Lascaux, photographie numérique, 2015.
Entre œuvre et ouvrage,
un lieu de fabrication
Un essai photographique sur le chantier du Centre International d'Art Pariétal
[Lascaux 4]
2012
À Montignac, lorsque l’on tourne son regard vers la colline de Lascaux, rien ne laisse soupçonner la présence de l’une des œuvres d’art plastique les plus connues au monde. Les œuvres pariétales de Lascaux sont dissimulées, enfouies dans une caverne elle-même cachée par une forêt. Un immense voile de matière enveloppe, protège et isole la grotte ornée qui est là, sous notre regard, mais invisible.
Avec le projet du Centre International de l’Art Pariétal (CIAP) un bouleversement du visible est en jeu : dans quelles proportions du montré et du caché sera à nouveau proposée l’exhumation de cette icône de l’art pariétal ?
2014
Depuis le début des travaux, je me rends sur l’ambitieux chantier du CIAP à Montignac-Lascaux. Pendant plus de deux ans, patiemment, j’en parcours le site qui m’apparaît dans toute sa complexité. L’objet qui se fait devant moi existe déjà dans l’acte même de sa fabrication. Car c’est en elle et par elle que se joue l’ordre fondamental du lieu : d’un état souterrain, étroit, sombre, intime, à la fois secret et sacré, une mise au jour opère jusqu’à un état de surface et de lumière, ouvert et public.
Très vite, devant l’énorme brassage de matériaux qui s’organise devant mes yeux, je prends conscience d’une irrépressible nécessité de retenir l’action en cours.
Je questionne alors dans une posture de face à face et un langage proche du minimalisme, l’intense matérialité qui se dresse devant moi, ce qui fait masse, ce qui s’interpose et fait obstacle. Le CIAP avec la part de savoirs, de rêve et d’imaginaire qu’il est sensé apporter au public, doit au préalable passer par la démonstration de notre dépendance à la matière. Ses parois de béton banché parfois graphitées de repères, de chiffres, de lignes de niveau, de dessins, agissent et s’accordent en de contemporaines énigmes. Dans les angles les plus reculés et les plus silencieux du chantier, ses endroits les plus sombres, l’écho de la caverne originelle enveloppe les sens et altère la perception sensorielle. Une autre grotte se reforme et construit de nouveaux diverticules. Voici ici les chemins de béton, de fer, de verre et de flux divers qu’il faut suivre pour accéder au discours sur les origines de l’art et de l’humanité. L’ouvrage qui se substitue à l’œuvre occupera désormais l’espace de notre relation à Lascaux.
Lascaux la grotte originelle ; Lascaux l’œuvre ; Lascaux le sanctuaire, pourront alors se faire oublier.
Eric Solé
Avril 2017
L'expérience du poteau, Toulouse, 1995. D'après film N&B 6x6cm
L'expérience du poteau
A Toulouse, il y a 20 ans, place Marengo tout près de la gare Matabiau, un bouleversement du quartier s'annonce : la grande Médiathèque José Cabanis va faire bouger les repères d'un quartier populaire. Le lieu va être transformé. Un visible va en remplacer un autre. Un vaste effacement du perçu est en cours.
C'est ici et à ce moment, que pour la première fois, je me plante devant un poteau électrique. Je m'en approche presque à le toucher. Cet élément, fixe, allongé, ancré en terre et filant vers le ciel, est un point d'ancrage sur lequel mon regard a besoin de se fixer, de s'arrêter comme pour amoindrir l'irréversible.
De ce besoin, naît cette action photographique simple et radicale : celle de provoquer l’expérience d’un face à face. C’est la sensation d'une confrontation directe, d’une situation d'obligation : celle de voir ce qui empêche de voir.
A partir de cet instant, le thème de ce qui est caché, obstrué, biffé, ne cessera d'occuper ma pratique photographique, jusqu'à interroger le medium lui-même en jetant un trouble sur sa capacité annoncée dès sa création, celle de montrer le "réel".
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